02 mai 2024
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Novo Nordisk à Chartres, la genèse d'un succès

Investissement.

Jean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole

Novo Nordisk vient d’annoncer 2,1 milliards d’euros d’investissement sur son site de Chartres. Le président de Chartres métropole, Jean-Pierre Gorges nous détaille la genèse d’un succès.

Votre Agglo : Comment regardez-vous l’entreprise Novo Nordisk, et son investissement massif chez nous ?

Jean-Pierre Gorges : Avec 500 emplois supplémentaires à la clé à délai rapproché ! C’est une entreprise extrêmement performante, qui a anticipé très tôt l’évolution et l’apparition de problèmes de santé publique, et notamment du diabète. Un marché malheureusement croissant, l’une des conséquences de ce que l’on appelle communément la « malbouffe ».

Novo Nordisk ne se contente pas de produire des produits pharmaceutiques pour son traitement, mais elle participe également à de nombreuses recherches pour sa prévention.

Je suis attentivement son implication croissante à Chartres depuis vingtdeux ans et j’ai pu observer la gestion remarquable de son personnel, des conditions de travail, des niveaux de salaires, etc.

VA : Comment avez-vous été conduit à vous y intéresser de plus près ?

JPG : C’était en 2002. J’étais maire depuis un an et juste élu député. L’implantation de Novo Nordisk à Chartres datait de 1962. C’était encore limité. Et ses dirigeants s’interrogeaient : ils voulaient se développer et étudiaient plusieurs destinations possibles en Europe. Chartres faisait partie des sites envisagés, mais des questions fiscales et réglementaires propres à la situation française les faisaient hésiter.

J’avais l’avantage d’être député-maire, comme c’était possible alors, ce qui me permettait d’intervenir au plan local comme au plan national. Et il se trouve que j’ai trouvé une oreille très attentive et compétente auprès d’un grand ministre de l’Economie et des Finances qui savait ce que c’était que l’industrie, puisqu’il en venait. Je veux parler du regretté Francis Mer, très récemment disparu. Il savait ce qu’il fallait faire si l’on voulait que l’industrialisation / réindustrialisation de notre pays passe à la vitesse supérieure…

J’ai donc rempli mon rôle de courroie de transmission à Paris, et d’élu décideur à Chartres. Et Novo Nordisk est resté à Chartres, s’est développé en investissant des centaines de millions d’euros. Et nous venons là de passer encore à une dimension supérieure.

Je n’ai pas pu rester député – la Loi me l’a interdit depuis 2017 – mais l’actuel député a parfaitement mesuré l’enjeu quand la décision de Novo Nordisk a balancé entre Chartres et l’Irlande. Il a bien accompagné la candidature chartraine à son niveau auprès des instances gouvernementales. Ce n’est pas pour rien qu’il a appuyé la candidature de Chartres métropole pour obtenir le label Territoire d’Industrie. Cela va simplifier, accélérer les procédures administratives réglementaires, faciliter les soutiens bancaires et valoriser nos démarches d’obtention des structures de formations professionnelles, pour répondre aux besoins de personnels qualifiés dans nos entreprises locales. Novo Nordisk bien sûr, la Cosmetic Valley et aussi les autres. Le soutien de la Région nous est acquis en la matière et je la remercie.

VA : Qu’est ce qui a fait basculer la décision de Novo Nordisk en faveur de Chartres ?

JPG : Pour avoir discuté au long des années avec de nombreux cadres de l’entreprise, je pense que ce sont les possibilités de recrutement de personnels compétents qui l’ont emporté.

Je ne parle pas seulement du bassin chartrain, qui est évidemment trop limité. Les dirigeants de Novo Nordisk vont recruter partout en France et même à l’étranger. Déjà, l’explication fiscale ne tient pas, les conditions de l’Irlande étant probablement meilleures en la matière.

Mais dans le recrutement aujourd’hui, les candidats ne parlent pas seulement de salaire. Pour qualifier un emploi de « bon job », il faut d’autres atouts et d’abord une qualité de la vie : « que vais-je trouver à Chartres pour moi-même, ma famille et mes enfants ? Quelles sont les écoles ? Quels sont les équipements culturels, sociaux, les possibilités de se loger ? Y a-t-il des animations, de bons clubs sportifs ? », etc.

C’est tout un cadre de vie, tout un écosystème qui est examiné. C’est tout ce qui constitue ce que j’appelle l’attractivité d’une ville, quand elle est propre, sûre et que les services publics, hôpitaux compris, fonctionnent bien. Au total, c’est un choix concurrentiel dans tous les domaines.

VA : Quel est l’intérêt pour le bassin de vie chartrain de voir Novo Nordisk s’y développer encore davantage ?

JPG : Ce ne sont pas seulement des centaines d’emplois supplémentaires. Ce sont surtout des emplois qualifiés supplémentaires. Qui vont tirer la ville et l’agglomération vers le haut. Un emploi industriel créé, c’est 1,5 emploi créé à côté, comme la Cosmetic Valley le montre bien. Et ce sont en plus 2 à 3 emplois indirects qui apparaissent progressivement dans le bâtiment, les commerces, les services à toute cette population supplémentaire. Rien à voir avec les entrepôts géants de l’e-commerce et leurs emplois rarement qualifiés. Novo Nordisk oui, Ali B… non.

Vous comprenez mon refus d’il y a quelques années. Vous comprenez pourquoi nous voulons depuis vingt-deux ans une ville et une agglomération apaisées, avec des transports publics modernes, des logements de qualité et variés, une mixité sociale véritable, équilibrée, etc.

Parce que si nous avons accompagné attentivement Novo Nordisk, les gens de Novo Nordisk nous ont également observés. Ils connaissent notre stratégie, ils la voient s’inscrire dans la réalité au long des années. Notre travail, c’est non seulement d’accompagner, mais c’est surtout d’anticiper. Toujours l’attractivité… Vous pouvez mesurer et mieux comprendre les dimensions de l’Odyssée, du Colisée, du parc des expositions, sans oublier le Conservatoire, les théâtres, la médiathèque et autres. Deux ambitions se côtoient et se rejoignent…

VA : Pourquoi Novo Nordisk se développe-t-elle dans la zone Poillot et non pas dans le Jardin d’Entreprises ?

JPG : Cela aurait été possible en 2002, mais pas aujourd’hui au vu de la dimension prise par Novo Nordisk à Chartres depuis vingt ans.

Là encore, nous avions heureusement anticipé. Ce n’est pas pour rien que j’ai décidé d’acheter l’ancien bâtiment Guerlain dans la zone Poillot, c’était en 2015 ! Il y a 8 ans ! Pour beaucoup, c’était de l’argent immobilisé et certains, y compris dans mon entourage, me pressaient de vendre cet espace. Aujourd’hui, c’est une des clés du succès. Nous y ajoutons la délocalisation dans le Jardin d’entreprises du Centre technique municipal (CTM), qui sera opérationnel là-bas d’ici septembre 2024. Et nous incitons d’autres entreprises de la zone Poillot à se réinstaller dans des conditions meilleures dans le Jardin d’entreprises, libérant ainsi des espaces supplémentaires pour Novo Nordisk.

Ce travail de meccano foncier, c’est l’un des coeurs de métier de Chartres métropole. Pour garder toujours une longueur d’avance.

 


Pour Novo Nordisk, une mobilisation nationale et locale

Guillaume Kasbarian, député d’Eure-et-Loir, et Didier Garnier, vice-président de Chartres métropole délégué au développement et à la promotion économiques, réagissent à l’annonce d’investissement massif de Novo Nordisk à Chartres.

Votre Agglo : Monsieur Kasbarian, quelle a été l'étincelle initiale qui vous a poussé à soutenir avec tant de ferveur l'investissement de Novo Nordisk à Chartres ?

Guillaume Kasbarian : L'étincelle a été la reconnaissance immédiate du potentiel qu'un tel investissement représente pour notre territoire. Novo Nordisk n'est pas seulement un leader dans l'industrie pharmaceutique ; c'est un pionnier dans le développement de solutions de santé durable. J’ai conscience de l'impact de cet investissement colossal sur notre économie locale et sur l'avancement de la technologie pharmaceutique en France. J’ai tout de suite su que nous devions agir. Mon rôle a été d’assurer un soutien politique inébranlable, en facilitant le dialogue avec les différents acteurs gouvernementaux et en exploitant les opportunités législatives ouvertes notamment par les lois ASAP et Industrie Verte en étroite collaboration avec Novo Nordisk. Ces législations offrent un cadre favorable pour accélérer les procédures administratives et soutenir les initiatives de développement durable.

L'enthousiasme pour ce projet dépasse le cadre économique ; il s'agit d'une avancée significative pour la santé publique et la technologie pharmaceutique en France. C'est cette vision qui m'a motivé à pousser ce projet avec ardeur.

VA : Et sur le terrain, monsieur Garnier comment votre action a-t-elle facilité cet investissement ?

Didier Garnier : Mon approche a été de considérer cet investissement comme une opportunité pour tous. Nous avons mené un travail de fond pour assurer que l'agrandissement de Novo Nordisk se fasse en harmonie avec nos objectifs de développement durable. Pour cela, l’ensemble des équipes de Chartres métropole sont mobilisées, et je les en remercie. Il faut en effet suivre très attentivement les négociations pour l'acquisition de terrains, la miseen place d'infrastructures adéquates et la coordination avec les entreprises locales, qui sont mobilisées pour appuyer ce projet hors normes.

Mon enthousiasme pour ce projet découle de son potentiel transformateur pour Chartres et son agglomération. Nous parlons d'emplois de haute qualité, d'innovation technologique et de renforcement de notre attractivité en tant que pôle majeur dans le secteur pharmaceutique. J'ai été personnellement impliqué dans chaque étape, veillant à ce que les besoins de Novo Nordisk soient alignés avec ceux de notre territoire. C'est un travail de longue haleine, mais extrêmement gratifiant quand on voit les bénéfices qu'il apportera à tous les habitants de Chartres métropole.

VA : Monsieur Kasbarian, pouvez-vous nous donner un aperçu des prochaines étapes et des défis à venir pour ce projet ?

GK : Absolument. Notre prochain défi est de maintenir la cadence. Cela signifie non seulement assurer que les mesures législatives et les soutiens gouvernementaux continuent d'être optimisés, mais aussi de rester en dialogue constant avec Novo Nordisk. Nous devons nous assurer que leur expansion se déroule harmonieusement, en respectant les délais prévus et en répondant aux attentes des parties prenantes.

VA : Et pour Chartres, monsieur Garnier, quels sont les enjeux immédiats et de long terme ?

DG : À court terme, notre enjeu principal est de garantir une intégration fluide de Novo Nordisk dans notre tissu économique et social. Cela implique un travail continu de coordination et de communication avec toutes les parties prenantes. À long terme, notre objectif est de voir Chartres se transformer en un pôle d'excellence dans le secteur pharmaceutique, en créant un environnement propice à l'innovation et à l'emploi de qualité. C'est une vision audacieuse, mais réalisable, et nous sommes déterminés à la concrétiser.