29 avril 2024
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La géothermie pour enrichir le mix énergétique de Chartres métropole

La géothermie pour enrichir le mix énergétique de Chartres métropole

Produire davantage d'énergies durables et locales est un des principaux objectifs inscrits dans le Plan Climat Air Energie Territorial de Chartres métropole.

Pour enrichir son mix énergétique, l'Agglomération entend déployer la géothermie à l'échelle de son territoire. Une technologie qui offre de nombreux avantages.

 


« La solution est sous nos pieds »

Jean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole

Le 9 mai dernier, Chartres métropole et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ont présenté aux maires des 66 communes de l'agglomération la convention qui va lier les deux parties pendant cinq ans. Objectif : généraliser autant que possible l'utilisation de la géothermie, essentiellement pour alimenter en chaleur les bâtiments et équipements publics, les logements collectifs, voire les entreprises de notre territoire.

Jean-Pierre Gorges nous explique la stratégie qu'il entend développer dans un contexte de crise et d'enchérissement des énergies.

Votre Agglo : Pourquoi la géothermie ?

Jean-Pierre Gorges : Il faut raisonner pour notre territoire de la même manière qu'au plan national, où je suis un partisan du nucléaire. Parce que cette énergie est peu chère, constante, décarbonée, quasi inépuisable si l'on reprend le développement des réacteurs de 4 e génération. Elle est aussi la seule à même de garantir l'autonomie et donc la souveraineté de la France dans ce domaine éminemment stratégique, que ce soit pour le pays ou pour tout un chacun. Appliquons la même logique à notre territoire.

De quoi avons-nous besoin ? Principalement de chaleur, pour remplacer à terme le gaz. Nous disposons déjà de réseaux de chaleur, qui véhiculent notamment la production de notre usine biomasse. Or il apparaît que la solution est sous nos pieds. La chaleur du sous-sol augmente en effet de 3 degrés tous les 100 mètres de profondeur. Elle est décarbonée, peu chère. Elle n'utilise pas de technologie sophistiquée nécessitant des métaux rares, polluants et importés. Elle est locale, inépuisable ! Elle nous donnera donc toute l'autonomie souhaitable. Or elle est aujourd'hui largement sous exploitée.

Chacun peut comprendre, et encore davantage en ce moment, combien il est décisif de disposer de chaleur dont le coût ne dépende pas de telle ou telle crise internationale, ou d'une variation brutale des marchés, ou même de décisions politiques qui nous dépassent. Ce sera donc aussi un facteur d'attractivité, de compétitivité pour notre territoire et ses habitants.

VA : C'est donc à vos yeux un investissement sans risque ?

JPG : Absolument, et nous avons il y a déjà une dizaine d'années décidé de tenter l'expérience en adoptant la géothermie pour chauffer (ou rafraîchir) les 15 000 m2 du nouvel hôtel de Ville et d'Agglomération. Nous y avons regroupé des services auparavant répartis dans 11 bâtiments dispersés dans la zone urbaine.

En 2022, le chauffage, le rafraîchissement et l'éclairage de ces 15 000 m2 (plus l'Hôtel Montescot, un bâtiment classé que nous ne pouvons pas isoler dans les mêmes conditions) nous ont coûté 227 000 euros. Si nous prenons seulement deux des 11 bâtiments dont je parlais, le bâtiment Pichard à la Madeleine nous coûtait 168 000 euros et l'Hôtel Maleyssie (ancien siège de La Police Municipale) et ses 1 000 m2 nous coûtait 107 000 euros. Cette démonstration sans appel nous incite évidemment à la généraliser autant que possible. À Chartres, ceux qui gèrent la nouvelle école Guéry sont aussi plus que satisfaits de leur recours à la géothermie.

VA : Quel est l'objet précis de la convention conclue avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ?

JPG : Avant de généraliser l'usage de la géothermie, nous demandons au BRGM d'établir une carte de notre territoire considéré du point de vue géothermique. Elle va nous dire où l'utilisation de la géothermie sera la plus pertinente et à quel coût. Nous disposerons de cette carte au début de l'année prochaine, s'agissant de ce qu'on appelle la « géothermie de surface » (moins de 200 mètres de profondeur). En 2024 s'y ajoutera une étude sur la « géothermie de grande profondeur » (plus de 200 mètres de profondeur), là où on peut trouver de la chaleur à 50 voire 70 degrés. Notre stratégie est claire : avant tout projet de construction nouvelle, ou de restructuration d'un quartier ancien, je veux que soit étudiée systématiquement la possibilité du recours à la géothermie.

Un exemple : il est prévu de construire à terme des équipements sportifs et des logements collectifs sur le plateau Nord-Est, l'ancienne base aérienne 122 de Chartres. C'est là que fonctionne l'Odyssée, déjà alimentée par la chaleur de notre usine biomasse. L'Odyssée peut-elle être à terme alimentée en chaleur par la géothermie, en utilisant les réseaux de chaleur déjà existants ? Dans le même esprit, vous savez que l'État est partie prenante avec nous d'une opération Cœur de Ville qui concerne non seulement Chartres mais aussi Lucé et Mainvilliers. Ces deux dernières communes sont également engagées dans de grands projets de restructuration urbaine de leurs anciens quartiers des années 60 et 70. Le recours à la géothermie les intéresse évidemment.

C'est pourquoi j'ai demandé au Préfet d'Eure-et-Loir, représentant de l'État, si l'utilisation de la géothermie pouvait être intégrée à cette opération et si l'Agglomération pouvait devenir un territoire-pilote en la matière à l'échelon national.

VA : Vous avez décidé de voir grand ?

JPG : L'expérience prouve qu'on voit toujours trop petit. Car au-delà des projets eux-mêmes, c'est tout un écosystème qu'il faut construire. L'extension de l'usage de la géothermie va aussi nous conduire à former et à informer sur cette énergie encore peu utilisée. Le BRGM envisage même de créer une école à cet effet. J'aimerais qu'elle puisse s'installer ici. En effet, cette source d'énergie est mal connue des professionnels et il faudra former des foreurs, des chauffagistes, éclairer les architectes sur cette activité nouvelle.

C'est vraiment un enjeu d'intérêt général. Et le BRGM nous apporte là une expertise technique unique et incontestée. De même, nous sommes maintenant membre d'une association qui réunit les quelques collectivités françaises qui se sont engagées dans la voie géothermique.

 


La géothermie va se déployer

C'est une source d'énergie renouvelable contenue dans les sols, qui permet à la fois de se chauffer et de se rafraîchir. La géothermie est une solution efficace, facile à mettre en œuvre, qui s'appuie sur une source d'énergie locale et décarbonée, aux coûts d'exploitation réduits et nécessitant une faible emprise foncière.

Le contexte énergétique oblige tout un chacun à se creuser la tête pour trouver des solutions durables et moins onéreuses. Et si c'était en creusant dans le sol, sous nos pieds, que l'on pouvait se donner de l'air ? C'est en tout cas la volonté de Chartres métropole que de déployer la géothermie à l'échelle de l'agglomération.

Voici quelques grands principes pour comprendre de quoi il s'agit.

La géothermie, c'est quoi ?

La géothermie de surface* (ou superficielle) utilise l'énergie présente dans le sous-sol à des profondeurs variant de quelques mètres jusqu'à 200 mètres. À ces profondeurs, la température du sol est relativement constante toute l'année : autour de 10 à 20 °C. Une pompe à chaleur géothermique est utilisée pour en prélever la chaleur, le froid ou le frais et en faire bénéficier des bâtiments ou réseaux.

La géothermie de surface est adaptée à tous types de bâtiments (neuf, ancien, résidentiel, tertiaire, industriel ou agricole) et de toutes tailles (de la maison individuelle aux grands immeubles). Son potentiel est considérable. À ce jour, en France métropolitaine, la géothermie de surface ne correspond qu'à 3 % de la chaleur d'origine renouvelable utilisée dans les bâtiments.

De mise en œuvre rapide, la géothermie, basée sur une matière énergétique gratuite et durable, ne rejette pas de gaz à effet de serre.

Source : BRGM.

Principe d'échanges caloriques de la géothermie de surface : lé' té, le bâtiment est rafraîchi par le sous-sol, plus frais que l'extérieur, et inversement l'hiver

La géothermie profonde** consiste en la valorisation de ressources géothermales présentes dans des aquifères, c'est-à-dire des formations rocheuses perméables dans lesquelles circule de l'eau, situés entre 400 et 2 500 m de profondeur. Dans le cas de la production de chaleur, son exploitation repose sur un doublet de forages constitué d'un puits de production et d'un puits de réinjection.

Source : Ademe.

Quels sont les atouts de la géothermie de surface ?

Des coûts d'exploitation stables et réduits.Comparée aux énergies conventionnelles (gaz, électricité, fioul), la géothermie demande un investissement initial supérieur. En revanche, ses coûts d'exploitation sont réduits. Par ailleurs, sa dépendance quasi inexistante à l'énergie fossile se traduit par la stabilité des coûts qu'elle engendre : une installation géothermique peut réaliser gratuitement les trois quarts des besoins thermiques d'un bâtiment.

Une exemplarité environnementale. On considère que les installations de géothermie de surface rejettent, en moyenne, moins de 45 g de CO2 par kWh de chauffage : c'est environ 4 fois moins que l'électricité, 5 fois moins que le gaz naturel et 7 fois moins que le fioul pour satisfaire un même besoin de chauffage.

Par ailleurs, la géothermie de surface étant consommée là où elle est produite, ce sont autant d'émissions de CO2 et de particules fines qui sont évitées.

Une énergie locale et durable. C'est une énergie produite et consommée localement et disponible en permanence, sur presque tout le territoire.

Source : Géothermie de surface : une énergie performante pour les territoires par l'Ademe et le BRGM.

 


Une nouvelle brique du mix énergétique

L’usine biomasse de Chartres métropole produit simultanément de l’électricité et de la chaleur à partir de bois de récupération

Dans son PCAET (Plan Climat Air Energie Territorial) adopté le 28 janvier 2021, Chartres métropole a inscrit comme axe stratégique le développement des énergies renouvelables et l'usage de produits biosourcés, c'est-à-dire issus de la matière organique renouvelable (biomasse), d'origine végétale ou animale.

En parallèle, elle a adopté une motion relative à la déclinaison départementale du Schéma Régional d'Aménagement, de Développement Durable et d'Égalité des Territoire (SRADDET). Dans cette motion, la collectivité rappelle qu'elle dispose déjà de ses propres outils de production d'énergie.

C'est le cas de la centrale de cogénération biomasse, construite par Chartres métropole dans le Jardin d'entreprises en 2018. Cet équipement produit simultanément de l'électricité et de la chaleur à partir de bois de récupération et alimente un réseau qui chauffe 4500 logements, l'Odyssée, les Hôpitaux de Chartres… Il produit également de l'énergie électrique verte, injectée dans le réseau local exploité par la société Synelva Collectivités.

Autoconsommation

C'est aussi le cas de l'unité de valorisation énergétique des ordures ménagères, à Seresville, qui produit de l'électricité, et du déploiement du photovoltaïque proposé par Synelva.

« Nous souhaitons qu'à terme notre territoire aboutisse à une autoconsommation de l'énergie qu'il produit, en mettant l'accent sur le développement d'un mix énergétique, dans lequel s'intègre entièrement la filière géothermie », indique Florent Gauthier, vice-président de Chartres métropole délégué au Développement durable.

C'est à ce titre qu'une étude du potentiel de la géothermie à l'échelle de l'agglomération a été lancée, en partenariat avec le Bureau de recherches géologiques et minières et le Centre scientifique et technique du bâtiment (voir par ailleurs). Les résultats seront connus en septembre prochain pour le pôle urbain et début 2024 pour le secteur péri-urbain et rural.

 


Chartres métropole veut être moteur en matière de géothermie

Chartres métropole s'est rapprochée du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) en vue de déployer la géothermie dans l'Agglomération, et être précurseur en la matière. Un premier partenariat a été conclu en 2022. Il consiste à étudier le potentiel de la géothermie de surface à l'échelle des 66 communes composant le territoire de Chartres métropole. Cette étude aboutira à une cartographie détaillée (à l'échelle d'une parcelle, d'un quartier, etc.) précisant quelles sont les ressources géothermales de chaque zone, les usages et besoins de surface, les options technologiques, les contraintes réglementaires et pratiques... Les résultats sont attendus en septembre prochain pour le secteur urbain et début 2024 pour le secteur péri-urbain et rural.

À l'issue, une synthèse et une analyse des données existantes du sous-sol permettra à la collectivité d'étudier la pertinence de l'utilisation de la géothermie profonde.

Pour aller plus loin, Chartres métropole assigné une convention-cadre avec le Bureau de recherches géologiques et minières, afin de bénéficier de son expertise technique sur de nombreuses thématiques, notamment pour l'intégration d'études d'opportunités de déploiement des géothermies de surface et profonde dans le cadre de grandes opérations : aménagement du plateau nord-est et renouvellement urbain du quartier de la Madeleine, extensions des parcs d'activités du Jardin d'entreprises et des Pôles ouest, Cité de l'Innovation, renouvellement urbain à Lucé…

Principe de géothermie profonde

Formation professionnelle

Chartres métropole et le BRGM agiront ensemble pour contribuer au développement de la filière géothermique, à tous les niveaux.

Par exemple en animant des groupes de travail pour sensibiliser les acteurs économiques et les entreprises aux enjeux de la géothermie, et faire monter en compétences les différents acteurs du secteur : bureaux d'études thermiques et sous-sol, architectes, chauffagistes, collectivités territoriales, bailleurs sociaux, promoteurs, acteurs de la rénovation… Mais aussi par la structuration d'une filière de formation professionnelle autour des géothermies : par exemple, en accueillant une formation de foreur ou de géotechniciens sur le territoire.

L'enjeu est essentiel, le déploiement de la géothermie nécessitant une offre de professionnels formés accrue dans les années à venir.

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est le service géologique national français. Il développe une expertise dans le secteur de la gestion des ressources, de la maîtrise des risques et des écotechnologies innovantes dans les grands domaines des géosciences : géologie, ressources minérales, géothermie, stockage géologique du CO2, risques, après-mine, eau, environnement et écotechnologies. Le BRGM est placé sous la tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du ministère de la Transition écologique et du ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance.

Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a pour ambition d'imaginer les bâtiments et la ville de demain en accompagnant et sécurisant les projets de construction et de rénovation durable, pour améliorer la qualité de vie de leurs usagers, en anticipant les effets du changement climatique. Il rassemble pour cela des compétences pluridisciplinaires et exerce 5 activités clés : la recherche et expertise, l'évaluation, la certification, les essais et la diffusion des connaissances. Son champ de compétences couvre les produits de construction, les bâtiments et leur intégration dans le quartier et la ville.

 


La géothermie dans l'Agglo : ça fonctionne déjà

À l'occasion de la rencontre pour la géothermie, organisée à Chartres en mars dernier dans le cadre du dispositif Action Cœur de Ville, deux projets locaux utilisant déjà cette technologie ont été mis à l'honneur : l'hôtel d'Agglomération et l'école Guéry, à Chartres.

C'est peu dire que le nouvel hôtel d'Agglomération est sobre en énergie. Et pour cause : l'équipement est doté de 26 sondes géothermiques, plongées à 146 mètres de profondeur, qui extraient la chaleur du sol en hiver et sa fraîcheur en été. En complément, une enveloppe double peau, composée de deux façades vitrées faisant office de tampon thermique, et un système de fermeture de l'arrivée d'air par le bas et le haut, qui piègent l'air en hiver et l'évacuent en été, contribuent aux performances énergétiques de l'ensemble.

Le résultat est à la hauteur : malgré une surface plus importante par rapport aux anciens bâtiments répartis sur onze sites qu'il a remplacés, le nouvel hôtel d'Agglomération consomme 10 fois moins.

L'hôtel d’Agglomération est doté de 26 sondes géothermiques, plongées à 146 mètres de profondeur

Autre exemple, d'initiative privée celle-ci : la nouvelle école Guéry, à Chartres, portée par l'architecte Yolaine Didou. Bénéficiant d'une excellente isolation intérieur/extérieur, le bâtiment est chauffé par géothermie : 5 sondes enterrées à 140 mètres dans le sol de la cour sont reliées à la chaufferie. De plus, une centrale de traitement de l'air permet de maîtriser la température, le taux de CO2, et éventuellement de rafraichir les locaux de quelques degrés en été. Dans cette école, aucun radiateur : le chauffage s'opère par le biais de panneaux rayonnants installés au plafond : gain de place et gain d'énergie !

La nouvelle école Guéry est chauffée par géothermie