L'Agglo s'engage pour la santé - Interview de Jean-Pierre Gorges

Votre Agglo, Santé

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Publié le 18/06/2025

mosaïque photo avec le portrait de Jean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole et à côté photos de plusieurs médecins en blouse

Le dernier Conseil communautaire de Chartres métropole a pris à l'unanimité une décision très importante : la prise de compétence en matière de création, aménagement, entretien et exploitation de maisons de santé.


Certes, la santé ne relève pas des compétences d'une agglomération. Mais l'accès aux soins est une préoccupation majeure des habitants : à l'échelle du territoire de Chartres métropole, 1 personne sur 3 n'a en effet pas de médecin traitant. C'est pourquoi Chartres métropole s'emploie à prendre soin des professionnels de santé présents, et à activer des leviers pour en attirer d'autres. Toute une stratégie que vous explique Jean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole.

Votre Agglo : Pourquoi cette nouvelle prise de compétence ?

Jean-Pierre GORGES : La santé publique reste évidemment une compétence quasi régalienne de l'État. Mais la réalité s'impose à l'évidence : la France et aussi le territoire de Chartres métropole souffrent d'une pénurie de médecins. Aujourd'hui, 30% des habitants de l'Agglo n'ont pas de médecin traitant. La difficulté vient de loin. Des hommes politiques et des technocrates ont décidé, il y a cinquante ans, que pour contrôler l'augmentation des dépenses de santé (déjà !), il fallait contrôler la démographie médicale. Certaines organisations de médecins ont aussi joué ce jeu, corporatisme aidant.

Depuis, notre pays ne forme plus assez de médecins. Ajoutez à cela les nombreux départs à la retraite de certaines classes d'âge dans la profession, et vous obtenez une situation aujourd'hui difficilement supportable par la population. Songez qu'un pays comme la France est obligé, depuis des années, « d'importer » des médecins étrangers en nombre ! Voilà le résultat du trop fameux « numerus clausus » qui limite le nombre d'étudiants en médecine et contraint de jeunes Français qui ont la vocation à aller faire des études en Belgique, en Roumanie ou en Espagne. Entre parenthèses, voilà où conduit une version de l'idéologie de la décroissance. Aujourd'hui, il y a donc urgence, mais il faut entre huit et douze ans pour former un médecin, selon qu'il devient généraliste ou spécialiste.

VA : Vous n'avez pas attendu le mois dernier pour prendre des initiatives en la matière ?

JPG : Nous avons aidé. Nous avons d'abord décidé dès 2023 de ne pas ajouter l'absurde à l'absurde : nos 66 communes se sont interdit tout débauchage de médecin d'une commune à l'autre. Nous avons ensuite entrepris de construire un nouvel EHPAD ultramoderne à Rechèvres, pensé avant tout pour la qualité de vie des patients-résidents. Là encore la réalité a évolué, conséquence de l'allongement de la durée de la vie : il y a dix ou quinze ans, on devenait résident à l'âge de 75 ans en moyenne, c'est aujourd'hui autour de 85 ans.
Pour attirer les jeunes médecins et les auxiliaires médicaux, nous les avons exonérés d'un impôt économique qui s'appelle la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE), et ce pour une durée de cinq ans à compter de leur installation.

Enfin, nous sommes en train de créer un système de bourse à destination des étudiants en médecine à partir de leur deuxième année d'études. Ces bourses pourront aller jusqu'à 1 000 euros par mois pendant leurs études et jusqu'à la fin de l'internat, avec en contrepartie l'engagement par les étudiants bénéficiaires d'exercer la médecine dans l'agglomération pendant 5 à 8 ans. Les 5 premiers boursiers sont déjà sélectionnés, 4 d'entre eux sont originaires de l'agglomération. Nous poursuivrons la démarche en 2026 et en 2027. Ce sont donc quinze médecins qui exerceront ici dans un délai de six ou sept ans. Vous l'avez compris : notre ennemi c'est le temps !

 

« Chartres métropole va financer deux Maisons de Santé : l'une à la gare de Chartres et l'autre près des Hôpitaux de Chartres. »

 

VA : L'Agglo avait également apporté des financements aux Hôpitaux de Chartres ?

JPG : La médecine est une science en mouvement. Le progrès a un coût : les nouveaux médicaments performants coûtent cher. C'est vrai aussi des matériels, des équipements et de tout qui de près ou de loin concerne l'imagerie médicale et ses dérivés, robots, etc. En 2023 et en 2024, nous avons décidé de financer scanners, échographes, nouveaux outils de dialyse pour un peu plus de 700 000 euros. Cela a complété l'équipement d'un service de cardiologie ambulatoire, un progrès majeur quand on connaît le délai d'intervention en cas de crise cardiaque : quatre minutes ! Déjà, nous le faisions sans en avoir la compétence, au sens juridique du terme. Mais là encore la réalité s'imposait. Un autre facteur nous a poussés à aller plus loin, à franchir le pas, à nous doter d'une compétence juridique supplémentaire.

De longue date, nous avions toujours agi pour pousser hôpitaux publics et établissements privés, médecins hospitaliers et médecins libéraux à travailler de concert, notamment pour financer les investissements considérables nécessaires. Mais l'Agence Régionale de Santé (ARS) de la région Centre-Val de Loire, cet organisme d'État qui pilote la santé publique, n'autorise pas le portage financier mixte public/privé en matière d'investissement. Il ne nous est donc pas possible de créer, par exemple, une société d'économie mixte pour agir dans le domaine de la santé. Chartres métropole va donc financer les deux Maisons de Santé que nous voulons créer, l'une à la gare de Chartres et l'autre ensuite près des Hôpitaux de Chartres, au Coudray. La première, près de là où convergent tous les modes de transports et 12 000 personnes chaque jour. La deuxième au plus près des plateaux techniques des Hôpitaux. C'est pour ce faire que le dernier Conseil communautaire a confié cette nouvelle compétence juridique à l'Agglomération.

VA : Vous avez déclaré qu'il s'agissait de « la délibération la plus importante » du dernier Conseil ?

JPG : Pour permettre ainsi cette nouvelle possibilité d'action, la Loi exige un vote qualifié à la majorité des deux tiers. C'est pourquoi j'ai été très heureux de voir ce vote acquis à l'unanimité. C'est évidemment un argument de légitimité supplémentaire, notamment vis-à-vis de l'ARS.

VA : Comment expliquez-vous la position de l'ARS ?

JPG : Non seulement l'ARS n'autorise pas le portage public/privé en matière d'investissement, mais en plus, elle n'a pas classé le territoire de Chartres métropole en zone prioritaire. Ses choix lui appartiennent. Je m'interroge : la santé a besoin d'investissements supplémentaires, tout le monde en convient. Et tout le monde sait aussi que l'État n'a pas d'argent ! En attendant, les gens disent à leurs élus proches, et il s'agit de nous : « Faites quelque chose ! » Alors nous allons faire.

 

« La santé a besoin d'investissements supplémentaires. Tout le monde sait que l'État n'a pas d'argent. Alors nous allons faire. »

 

VA : C'est un engagement financier supplémentaire pour l'Agglomération ?

JPG : C'est un véritable enjeu de justice sociale. Si Chartres métropole dispose aujourd'hui d'une économie plutôt dynamique, c'est aussi grâce au travail, à l'investissement de ses habitants. Et ces dépenses supplémentaires sont à regarder comme un juste retour de leur investissement. Dans l'attractivité d'un territoire, il n'y a pas que la dimension économique. La qualité des hôpitaux en est aussi un facteur majeur. De plus, vous avez en ce moment 1 500 embauches en cours chez nous, et autant ou plus qui en dériveront. Tous ces gens ne sont pas des abstractions, ils viennent avec leurs familles, leurs enfants et leurs besoins en tous genres.
Regardez ce qui se passe : les gens qui déménagent aujourd'hui dans notre pays sont parfois obligés de revenir de temps en temps à leur point de départ - distant quelques fois de centaines de kilomètres - pour consulter leur médecin-traitant qu'ils n'ont pas pu remplacer là où ils ont élu leur nouveau domicile. Et le soir du dernier Conseil communautaire, je pensais d'autant plus à tout cela que je venais de passer la journée au Banquet des seniors de la Ville de Chartres, qui rassemblait pour ce seul jour un millier d'invités répartis sur 3 générations, parfois dans la même famille. J'ai fait le tour de toutes les tables et partout les convives m'ont parlé de ce problème. Et la même chose est sans doute vraie pour les soixante-cinq autres maires de l'Agglo.

VA : Décrivez-nous ces deux Maisons de Santé que vous voulez construire, dont la première à la gare ?

JPG : Ces Maisons de Santé modernes rassembleront chacune environ une vingtaine de médecins et de professionnels de la santé. ET des équipements d'imagerie médicale de dernière génération, qui fonctionnent en permanence. Chartres métropole milite en tout cas en ce sens auprès de l'ARS. Car aujourd'hui, chez nous, les délais d'attente pour passer, par exemple une IRM, sont encore trop longs. C'est aussi un mode de fonctionnement nouveau grâce à la télémédecine assistée. Un exemple : de son cabinet ou de chez un patient, une infirmière (qui peut se déplacer) pourra se connecter à un médecin de la Maison de Santé, et interagir ainsi avec le patient et le médecin, dans les meilleures conditions.

Nous avons ici une bonne école d'infirmières, nous devrons faire en sorte d'améliorer encore leurs qualifications et mieux les payer. L'infirmier ou l'infirmière seront des partenaires essentiels dans notre lutte contre le temps. Formés en quatre-cinq-six ans ils seront le maillon intermédiaire nécessaire entre le patient et le médecin formé entre huit et douze ans. Pour prendre une image familière, c'est avec la technologie le seul moyen de « couper un médecin en morceaux », en démultipliant ses capacités d'action.

 

« L'infirmier ou l'infirmière seront des partenaires essentiels dans notre lutte contre le temps. Formés en 4 à 6 ans, ils seront le maillon intermédiaire nécessaire entre le patient et le médecin, formé entre 8 et 12 ans. »

Exonération de CFE

Les élus du Conseil communautaire de Chartres métropole ont voté le 27 mars dernier l'exonération de la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) pour les médecins et auxiliaires médicaux qui s'installent sur les communes de l'agglo, et ce pendant 5 ans. L'objectif est clair : faciliter l'installation de nouveaux praticiens à travers une fiscalité avantageuse.

Retrouvez Jean-Pierre Gorges sur Chartrissimo.

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