Sports et culture : les clameurs d'un même succès – Interview de Jean-Pierre Gorges
Sur le territoire
-Publié le 15/05/2025
Un an après la mise en service du Colisée, on commence à mesurer l'impact considérable de l'équipement sur l'agglomération et au-delà. La qualité de l'ambiance et les chiffres de fréquentation sont à l'unisson, culture et sport associés dans un même succès. Les commentaires de Jean-Pierre Gorges.
Un an après la mise en service du Colisée, on commence à mesurer l'impact considérable de l'équipement sur l'agglomération et au-delà. La qualité de l'ambiance et les chiffres de fréquentation sont à l'unisson, culture et sport associés dans un même succès. Les commentaires de Jean-Pierre Gorges.
Votre Agglo : Comment regardez-vous le succès du Colisée ?
Jean-Pierre Gorges : Comme toujours, c'est l'offre qui crée la demande. C'est vrai en matière sportive, et j'ai envie de dire que c'est encore plus vrai en matière culturelle. J'ai un principe : je ne m'occupe jamais de programmation. Ma seule exigence en la matière, c'est qu'il y en ait pour tous les goûts. La liberté, c'est d'avoir le choix. Notre société publique locale (SPL) C'Chartres Spectacles s'occupe non seulement de programmation au Colisée, qui est un équipement de Chartres métropole, mais aussi des équipements que lui confient les communes de l'Agglo qui décident librement de devenir actionnaires : aujourd'hui, la Ville de Chartres et la commune de Lèves, et peut-être bientôt celle de Lucé, je l'espère.
La Ville de Chartres a confié à la SPL son Théâtre, son théâtre Off, la Salle Doussineau. La commune de Lèves lui demande d'organiser entre sept et neuf spectacles par an à l'Espace Soutine. Et nous observons que le succès des spectacles présentés au Colisée n'a pas nui aux spectacles organisés ailleurs. Bien au contraire, leur fréquentation n'a pas baissé, elle s'est même largement maintenue. Pour affirmer cela, nous nous basons sur les chiffres de 2024, quand le Colisée n'a fonctionné que pendant la deuxième partie de l'année, mais la tendance se confirme cette année.
C'est tout un savoir-faire qui s'acquiert et se met en place progressivement. Il est encore largement perfectible : par exemple, il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas faire ce que d'autres pays d'Europe font depuis des années : là-bas, le prix du billet de transport public est compris dans le prix du billet du spectacle, au choix du spectateur évidemment.
« Ma seule exigence en matière culturelle, c'est qu'il y en ait pour tous les goûts. La liberté, c'est d'avoir le choix. »
VA : Comment analysez-vous l'origine des spectateurs ?
JPG : Ils viennent en grande partie de l'agglomération, mais aussi de tout le département d'Eure-et-Loir. L'analyse de la billetterie montre qu'ils arrivent également de l'ouest et du sud-ouest de la Région Île-de-France, comme Rambouillet par exemple. On évalue la zone de chalandise de l'équipement a environ 200 000 habitants.
VA : Quel est le travail de la SPL C'Chartres Spectacles ?
JPG : La SPL est un couteau suisse, une boîte à outils. Elle peut organiser elle-même des spectacles : 5 en 2024 avec un objectif de 10 ou 12 cette année. Elle peut traiter avec des producteurs qui lui proposent des artistes et louent la salle. Elle peut traiter aussi avec des promoteurs dits locaux, qui sont en fait régionaux. Les producteurs leur délèguent une partie du travail, par exemple en leur demandant de leur trouver 5 ou 10 salles dans leur région pour autant de spectacles. Dans la discussion se négocie qui aura en charge la communication, l'affichage, l'accueil, ou encore le choix des divers fournisseurs. La SPL peut participer à cette discussion.
En 2024, C'Chartres Spectacles aura organisé, de près ou de loin, 393 évènements culturels qui ont accueilli 74 941 spectateurs. Notre objectif en 2025 en vise le double, soit 150 000 spectateurs. Pour sa part, la SPL espère organiser une dizaine de spectacles au Colisée, auxquels s'ajouteront 25 autres apportés par les producteurs ou les promoteurs.
« Le Colisée, le Théâtre, l'Apostrophe, le Off, le Conservatoire... Un boulevard de la culture en hypercentre, accessible facilement : c'est devenu notre clé de voûte culturelle et sportive. »
« En 2024, C'Chartres Spectacles aura organisé 393 évènements culturels qui ont accueilli 74 941 spectateurs. Notre objectif en 2025 en vise le double, soit 150 000 spectateurs. »
VA : Quelles observations tirez-vous de ce succès ?
JPG : 393 évènements culturels en un an, c'est plus d'un par jour ! Et nous ne parlons pas des grands spectacles populaires gratuits que sont Chartres en lumières, ChartrEstivales, des expositions en tous genres, des concerts, etc. Et donc non seulement nous constatons l'effet d'entraînement du Colisée sur les autres lieux de spectacles, mais comme toujours les critiques se sont tues.
Le positionnement du Colisée en hypercentre de l'agglomération n'est plus discuté, d'autant que son accès se révèle facile et fluide, à pied et par tous les moyens de transport. C'est toute une vie qui irrigue l'hypercentre du territoire de Chartres métropole. Il faut voir et entendre l'ambiance les soirs de spectacles : ces gens qui se rencontrent, qui parlent, qui attendent, qui s'enthousiasment, et aussi qui consomment, à une période où l'on sait que la consommation dans notre pays est fragile. Le Colisée vient couronner un ensemble. Plus personne non plus ne remet en cause la nécessité de cet endroit qui rassemble tout le monde, comme un creuset social.
Après l'Odyssée, et comme l'Illiade, le Colisée ouvre notre territoire sur une autre époque, une autre dimension sociétale. Son succès unanimement reconnu en apporte la preuve indiscutable et rejaillit sur tout le reste : le cinéma de 2 200 places, le théâtre conventionné, l'Apostrophe, le Off, le Conservatoire, etc. Et toujours en hypercentre, où le maximum d'habitants peut venir à pied, tous les autres pouvant y accéder et en repartir facilement. C'est devenu notre clé de voûte culturelle et sportive.
Prenez par exemple la semaine du 21 au 27 avril dernier. Le lundi 21, le théâtre du Portail Sud se produit au Off. Pareil le 22, avec en plus au même endroit le Barj Comedy Club. Ce même 22, Patrick Fiori est au Colisée, pendant que deux représentations de Fin (faim) sont jouées au théâtre. Le 23, la compagnie Cavalcade joue Bienvenue au bel automne au Off, et ce jusqu'au 26. Entretemps, Alain Souchon se produit le 24 au Colisée, pendant qu'à l'Espace Soutine de Lèves le même soir, d'autres spectateurs peuvent assister à la pièce d'Albert Camus, Caligula. Le même 24 et le 25, le Théâtre de Chartres donne 4 représentations destinées aux enfants. Enfin le 26, toujours au Théâtre, se produit l'humoriste Tanguy Pastureau, pendant qu'au Off le théâtre du Détour donne une lecture publique. Autant dire que la relâche du 27 est bienvenue.
Vous aurez constaté que des spectacles de toutes sortes, ou presque, auront été offerts la même semaine aux spectateurs, et par des acteurs connus partout en France comme par des troupes locales. Chacun aura trouvé sa place et son public dans un équipement adapté. Et j'ai pris l'exemple de cette semaine, j'aurai pu en choisir d'autres. C'est ce foisonnement qui me réjouit, bien plus que le succès d'un seul équipement. Comme toujours, j'aurai entendu beaucoup de critiques avant, mais la clameur du succès les a réduites au silence.
« Avant le Colisée, quelles équipes de France étaient venues jouer à Chartres ? Et celles qui sont venues veulent y revenir ! »
VA : Parlons du sport, et du sport de haut niveau. Faitesvous à cet égard la même analyse ?
JPG : C'est l'évidence ! Demandez au public, demandez aux spectateurs, aux supporters. Tous ceux qui ont fréquenté, comme moi très souvent, la Halle Jean-Cochet, disent la même chose : il fallait un écrin, une arène, j'allais dire une « cathédrale », avec tout le respect que je dois à la nôtre, pour pousser encore l'ambition de nos clubs. Demandez aux enfants, parce qu'on y vient en famille, s'ils n'ont pas envie de pratiquer pour vivre encore davantage un jour la même ambiance, mais sur le parquet ?
Là encore le public a voté avec ses pieds. Comparez les affluences entre Colisée et Jean Cochet. Cette dernière salle garde d'ailleurs toute son utilité. Car d'autres sports de salle rêvent de venir jouer au Colisée et veulent gravir les échelons pour y arriver. Je pense au volley et à d'autres. Avant le Colisée, quelles équipes de France étaient venues jouer à Chartres ? Et celles qui sont venues veulent y revenir ! Volley-ball et taekwondo leur montrent la voie. Pour tous les pratiquants de chez nous, y accéder sonne comme « la » reconnaissance de leur enthousiasme et de leur ambition. Et là encore, où sont-ils passés tous ceux qui refusaient le Colisée aux sportifs de l'Agglo ?
Et est-ce que la pratique sportive quotidienne, « ordinaire », en a souffert ? Vous assistez au même phénomène que vous pouvez vivre dans la multiplication des courses à pied en ville : les gens aiment courir aussi pour naviguer au long des rues du patrimoine chartrain restauré, et vivre leur rêve en couleurs sous celles de Chartres en lumières. Là encore, l'offre nouvelle crée la demande, et une demande populaire !
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