02 May 2024
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Les 16 filiales d'une Agglo démocratique efficace

Gouvernance.

400 élus des 66 communes membres de Chartres métropole ont assisté à la réunion d'information sur les filiales de Chartres métropole

Le 11 avril dernier, Chartres métropole a réuni 400 maires et conseillers municipaux de ses 66 communes pour leur présenter les 16 filiales qui mettent en œuvre concrètement au quotidien les compétences de l'Agglomération, de l'aménagement à l'eau en passant par l'énergie, la gestion des déchets, etc.

Jean-Pierre Gorges revient pour nous sur la construction de cette organisation.

Votre Agglo : Pourquoi cette réunion, seulement à mi-mandat ?

Jean-Pierre Gorges : Nous aurions voulu l'organiser plus tôt. L'idéal aurait été fin 2020-début 2021, après les élections municipales de 2020. La pandémie nous en a empêchés. Mais cette réunion restait nécessaire, parce que la plus grande partie des élus municipaux ne sont pas conseillers communautaires. Or toutes ces Entreprises Publiques Locales (EPL) – Sociétés d'Économie Mixtes (SEM), Sociétés d'Économie Mixte à Opération Unique (SEMOP), Sociétés Publiques Locales (SPL), mais aussi Groupements d'Intérêt Économique (GIE) ou encore Groupements d'Intérêt Public (GIP) – sont les leurs. Elles sont à leur service. Et ceux d'entre eux qui composent le Conseil communautaire ont pour responsabilité d'en voter la création, d'en définir la mission spécifique et d'en contrôler l'action.

En effet, Chartres métropole et les communes en sont souvent les actionnaires exclusifs, ou largement majoritaires. Il était nécessaire de leur en présenter les présidents, pour l'essentiel des membres de l'exécutif élus de l'agglomération, et aussi les directeurs qui en conduisent l'action au quotidien. Car on pense souvent qu'en matière d'aménagement, par exemple, ces sociétés s'occupent des grands projets de Chartres métropole, comme le Pôle Gare, le Colisée ou encore le nouveau Parc des Expositions. Mais Chartres Aménagement peut également conduire des opérations de restructuration d'un cœur de village ou même la construction d'un nouveau lotissement. Toujours à l'initiative et sous le contrôle de la commune qui les engage. De fait comme de droit, ces sociétés sont conçues pour que les élus gardent toujours la main légitime sur leur action.

VA : Comment s'est constituée cette galaxie de filiales ?

JPG : Progressivement. Au fur et à mesure de l'élargissement des compétences de l'Agglomération, notamment par transfert de l'État. Nous nous sommes aperçus que tout était géré dans la même « boîte », par les différents services de Chartres métropole. C'est devenu très compliqué et posait nombre de problèmes, de compétences bien sûr, et aussi de gestion. Ainsi, nous appartenions à un syndicat de développement économique, à côté d'autres collectivités. Et quand ce syndicat a fini par dégager des résultats, la Loi nous obligeait à en réinvestir l'ensemble exclusivement dans ce syndicat. Alors que nous aurions préféré investir tout ou partie de cet argent dans d'autres compétences tout aussi prioritaires au regard de l'intérêt général, dans l'habitat social, le tourisme, la construction de grands équipements manquant aux habitants, etc. Mais le droit nous l'interdisait. Et puis le Droit européen a mis en place ces nouvelles « Entreprises Publiques Locales » (EPL) qui conjuguaient la souplesse de la gestion privée et la possibilité pour la ou les collectivités actionnaires d'en rapatrier tout ou partie des résultats dans leur budget général, celui de Chartres métropole en l'occurrence.

VA : La souplesse de gestion a donc été la motivation majeure de cette nouvelle organisation ?

JPG : Pas seulement. Que se passait-il auparavant ? Nous agissions souvent par délégation de service public en confiant à un grand groupe, national ou même international, la responsabilité de conduire, par exemple, la gestion de nos transports publics. Ce groupe disposait à la fois de la compétence technique et aussi de la surface financière nécessaire à des investissements très lourds dans la durée. Mais leurs antennes locales faisaient évidemment remonter leurs bénéfices à ces grands groupes, qui les utilisaient à leur guise pour leur développement, parfois dans d'autres domaines.

Dans notre système d'Entreprises Publiques Locales, l'argent reste chez nous, et nous l'utilisons au mieux de l'intérêt général des habitants et des communes de Chartres métropole. C'est ainsi que nous pouvons financer les 11 millions annuels de Dotation de Solidarité Communautaire (DSC) que nous reversons aux budgets des communes, ce que la Loi ne nous oblige aucunement à faire. De même pour les Fonds de concours (2,5 millions d'euros chaque année), réservés aux projets d'investissement des communes périurbaines et rurales. Une solidarité rare en France à cette échelle et dans ces proportions. Mais c'est un choix politique majeur que nous assumons année après année.

VA : Comment parvenez-vous à contrôler toutes ces sociétés ?

JPG : D'abord par les dispositions légales qui président au contrôle des sociétés de droit privé dans notre pays : expert comptable extérieur et indépendant, commissaire aux comptes extérieur et indépendant, le contrôle de légalité exercé par l'État, sans oublier le contrôle qu'exerce la Chambre Régionale des Comptes de la Région Centre-Val de Loire. Sans oublier non plus que tous les conseils d'administration de ces sociétés sont présidés par un élu, choisi pour sa compétence particulière, ou parce qu'il est tout simplement le vice-président de Chartres métropole en charge du domaine de compétence exercé par la filiale en question.

J'en préside quelques-unes, souvent à leur début, avant d'en transférer ensuite la responsabilité à un élu, une fois qu'elles sont installées dans leur organisation et dans leur mission. J'ai fait une exception pour la filiale Chartres Métropole Habitat, dont je reste le président, parce qu'elle est un levier majeur de la politique de la Ville de Chartres, dont je suis le maire, et dont 90% des logements concernés se situent sur son territoire. Même si, et je le regrette, ce parc de 6500 logements ne constitue qu'une grosse moitié des logements sociaux situés sur notre territoire.

VA : Les familiers des films de science fiction voient souvent des satellites ou des planètes tenter d'échapper au contrôle des gouvernants de la galaxie ?

JPG : J'ai mis en évidence les inconvénients de l'ancien système, où tout était géré par les services de l'Agglomération. Pas question aujourd'hui de laisser telle ou telle société, parce qu'elle est plus riche que d'autres, ou parce qu'elle est plus technique que d'autres, glisser vers une quelconque indépendance technocratique, qui échapperait au contrôle des élus de la population.

C'est pourquoi nous avons créé récemment un Groupement d'Intérêt Economique (GIE) qui concentre les fonctions administrative, juridique et financière de nos EPL. Elle les sécurise juridiquement et financièrement. Cette structure a pour mission de « tenir » l'ensemble sous le contrôle de l'exécutif de l'Agglomération.

Et puis nous voulons aussi qu'ils puissent agir ensemble si besoin est. Et j'ai des idées en la matière, car la réalité d'aujourd'hui évolue à toute vitesse. Un exemple : nous avons une grosse usine d'incinération de déchets qui produit de l'électricité et, juste à côté, notre grande station d'épuration qui purifie nos eaux usées avant de les rendre à la rivière. Alors je me dis que cette énergie pourrait chauffer des serres, arrosées par ces eaux redevenues propres, pour fournir légumes en tous genres au meilleur coût à notre Groupement d'Intérêt Public de restauration collective, qui alimente à raison de 11 000 repas par jour un grand nombre des cantines de nos écoles, ainsi que les patients et les personnels des Hôpitaux de Chartres.

Ces entreprises publiques locales, et plus largement ces filiales, sont d'abord et avant tout l'outil qui permet aux élus du peuple de conduire et de maîtriser une bonne part de l'avenir de notre territoire commun et des citoyens qui y vivent. L'atout d'une démocratie efficace.

Un livret présentant les filiales de Chartres métropole et leur fonctionnement est accessible en téléchargement. (pdf - 5.32 Mi)