06 May 2024
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L'art de faire parler les silex

Archéologie.

Une archéologue étudiant un silex

La direction de l'Archéologie de Chartres métropole accueille une lithothèque de référence pour le département d'Eure-et-Loir, dans le cadre d'un programme collectif de recherche. Cet outil permet de retracer toutes les étapes de la formation puis de la vie d'un silex et renseigne ainsi sur les interactions entre les humains et leur milieu depuis la Préhistoire.

Une lithothèque de référence

La lithothèque est un inventaire constitué d'échantillons de roches récoltés au sol lors de prospection ou dans le sous-sol lors d'opérations archéologiques. Ces échantillons forment une base de données, riche d'une multitude d'informations et mise à disposition de chercheurs de différentes institutions. La nouvelle lithothèque d'Eure-et-Loir est ainsi un outil de travail pour géologues, pétrologues (spécialiste des roches) et archéologues. Conservée dans les locaux de la direction de l'Archéologie de Chartres métropole depuis 2021, elle fait partie d'un réseau national et permet une meilleure compréhension de la gestion des minéraux de la Préhistoire à nos jours.

L'origine des silex

Les silicites, dont font partie les silex, sont issues de la fossilisation d'êtres vivants dans leur milieu d'origine : lacs, bords de mers, fonds marins, marais… Leur étude permet ainsi de restituer l'évolution géologique d'un territoire.

Revenons un peu en arrière... Il y a 135 millions d'années, l'Eure-et-Loir est recouverte par une mer ouverte, la mer de la Craie, qui accueille diverses formes de vies, du plancton aux dinosaures marins. Une craie blanche à silex s'y forme, que l'on retrouve dans les sables du Thymerais et du Perche.

Carte de la mer de craie

Des échantillons, issus d'une fouille à Amilly, présentent des bryozoaires (« animaux-mousses »), êtres vivants fossilisés dans la mer de la Craie. La différence de coloration témoigne d'un parcours différent de ces deux silex avant leur taille au Néolithique ancien.

Bryozoaire fossilisé

Autour de -65 millions d'années, la mer de la Craie laisse place à la mer Stampienne, dont le niveau des eaux varie fortement. Elle se retire vers -23 millions d'années, remplacée par le grand lac de Beauce. Les argiles à silex, le calcaire de Morancez, le calcaire de Berchères, le calcaire de Beauce, le grès poudingue et le grès de Fontainebleau s'y forment. Le lac asséché, vers -1,8 millions d'années, notre territoire est façonné et recouvert d'une roche sédimentaire qui rend les plateaux calcaires fertiles : les limons éoliens, loess, colluvions et alluvions en vallée.

La lithothèque inventorie les preuves du milieu de formation des roches et la chronologie des transformations. Par exemple, « la croûte » du silex (cortex) permet de savoir s'il a été ramassé par l'Homme au bord d'une rivière, sur un plateau, sur une terrasse…

Les multiples vies des roches

Les silicites sont le résultat d'une succession d'évènements. Ces roches, une fois formées, se détachent (ou non) de leur roche mère puis voyagent (ou non) par des actions naturelles et/ou par la main de l'Homme, avant d'être éventuellement transformées en outils, utilisées puis abandonnées. Les silex enregistrent tous ces aléas du temps, avant d'être ramassées par les archéologues et étudiées par les pétroarchéologues.

La lithothèque recueille des données sur tous ces aléas. Toute nouvelle roche découverte peut être ainsi comparée à cette base de données afin de retracer son itinéraire et toutes ses étapes, de sa formation à sa collecte.