Échanges avec Jean-Michel Wilmotte, l'architecte du projet de la Maison Internationale de la Cosmétique.

Votre Agglo, Grands projets

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Publié le 19/09/2025

Vues de la future Maison Internationale de la Cosmétique à Chartres avec le portrait de JM Wilmotte, l'architecte du projet

Il est connu et reconnu pour ses réalisations architecturales, tant au Louvre qu’au Rijksmuseum d’Amsterdam, par exemple. Ce dialogue réussi entre architecture ancienne et architecture contemporaine, il l’a également conduit à Chartres, où les bâtiments contemporains du nouvel Hôtel de Ville et d’Agglomération encadrent un ancien hôtel particulier du Grand Siècle. C’est encore lui qui va faire éclore la Maison Internationale de la Cosmétique (MIC), face à la cathédrale. Échanges avec l’architecte Jean-Michel Wilmotte.


Votre Agglo : Dans quel esprit avez-vous conçu le projet de Maison Internationale de la Cosmétique, située sur l’emplacement de l’ancien collège Jean-Moulin, dont vous conservez un bâtiment et prévoyez d’en remplacer un autre ?

Jean-Michel Wilmotte : Le site de l'ancien collège Jean-Moulin, pourtant idéalement situé face à la cathédrale, souffre d'un manque d'unité. On y trouve cinq corps bâtis disparates, l'un d'eux obstruant même une vue possible vers la cathédrale. Notre projet vise à clarifier la lecture de l'îlot et à recréer des perspectives nouvelles, notamment pour les piétons arrivant depuis la gare. Notre approche s'apparente à celle d'un orfèvre qui nettoie un bijou ancien : nous préservons le bâtiment fin XIXe, authentique témoin de l'histoire du lieu, et libérons l'espace par la déconstruction réfléchie de deux volumes mal implantés.

Rue Sainte-Même, un bâtiment à ossature bois, revêtu de verre émaillé, vient s'adosser à l'ensemble. Perpendiculairement, un second corps ferme la cour, accueillant une serre et un jardin couvert. La transition vers le parvis est assurée par un troisième volume qui fait le lien. Cette greffe contemporaine a été motivée par un changement d'usage, comme souvent dans nos projets. L'enjeu consiste toujours à créer cette passerelle entre le passé et le présent, à préserver l'intégrité du site tout en l'enrichissant de volumes neufs.

Notre approche s'apparente à celle d'un orfèvre qui nettoie un bijou ancien.

VA : Votre projet participe également d’un autre dialogue, ô combien patrimonial celui-ci, puisqu’il se situe face à la cathédrale de Chartres. Comment avez-vous relevé ce défi ?

JMW : En architecture, la pertinence d'un projet se mesure effectivement à l'attention portée à son contexte. On ne construit pas de la même manière à Deauville, à Saint-Étienne ou à Chartres : chaque intervention est déterminée par l'environnement qui l'accueille, qu'il s'agisse d'un centre historique, d'un terrain vierge ou d'un site arboré.

Ici, la cathédrale se distingue par son architecture tout à fait exceptionnelle. Elle est classée monument historique depuis 1862 et figure parmi les tout premiers édifices français inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, dès 1979. Cette proximité immédiate engage à la plus grande retenue. Nous avons travaillé sur des gabarits mesurés, qui prolongent les lignes urbaines existantes.

Le bâtiment d’alignement démoli libèrera une percée visuelle vers la cathédrale, depuis la rue Sainte-Même et la place Jean-Moulin. La place Jean-Moulin élargie sera perçue comme la continuité naturelle du parvis de la cathédrale. Pour le bâtiment neuf, les matériaux ont également été choisis pour leur neutralité et leur capacité à dialoguer avec la pierre voisine : un verre opalescent et des teintes sobres qui laissent la prééminence au monument. L’humilité a vraiment guidé chacune de nos décisions, depuis l’implantation des volumes jusqu’au choix des détails constructifs.

L'enjeu consiste toujours à créer cette passerelle entre le passé et le présent.

VA : Votre conception du nouvel Hôtel de Ville et d’Agglomération de Chartres entendait relever un autre défi, celui des enjeux environnementaux contemporains, notamment à travers sa « double peau » de verre, qui l’isole efficacement du froid comme de la chaleur et réduit considérablement sa facture énergétique. Comment répondez-vous à ce même impératif dans votre projet de Maison Internationale de la Cosmétique ?

JMW : L’ambition du projet excède de loin l’application ponctuelle de normes éco responsables ou le recours sporadique à quelques matériaux frugaux. Il s’agissait d’inscrire l’édifice dans une logique de sobriété environnementale conçue pour durer, en minimisant ses coûts d’exploitation, en anticipant ses besoins d’entretien et en garantissant à ses usagers un confort thermo-acoustique optimal.

Les extensions seront réalisées en structure bois et intègreront plus de 18 kg/m² de matériaux biosourcés. Ce choix réduira significativement l’empreinte carbone du bâtiment et contribuera à une régulation hygrométrique naturelle, le bois et les fibres végétales absorbant l’excès d’humidité et le restituant lorsque l’air s’assèche. Le bâtiment respirera, littéralement !

Le chauffage et le rafraîchissement reposeront sur un dispositif de géothermie, fournissant une énergie renouvelable, faiblement émettrice de CO₂. Au terme de l’opération, le bâtiment atteindra des performances équivalentes à celles du label BBC Rénovation (Bâtiment Basse Consommation), ce qui se traduira par une consommation énergétique inférieure d’au moins 40 % à la référence réglementaire.

Le chantier lui-même s’inscrit dans cette exigence, avec la volonté de réduire au strict minimum les nuisances sonores et visuelles inhérentes aux phases de demolition- construction… L’approvisionnement sera assuré par véhicules de petit gabarit, tandis qu’une traçabilité intégrale encadrera la gestion et le traitement des déchets de construction.

Le bois et les fibres végétales absorbent l’excès d’humidité et le restituent lorsque l’air s’assèche. Le bâtiment respirera, littéralement !

VA : Dans la réalisation de vos chantiers, vous êtes attaché à ce que le produit livré soit totalement fidèle au projet initial retenu. Quel est votre secret en la matière ?

JMW : Il n’existe pas de formule magique, croyez-moi : la fidélité au projet se construit dans la durée. Elle repose sur un travail méthodique, précis, de longue haleine. Sur une minutie dans le dessin, sur un soin extrême porté à chaque élément, du gabarit des ouvertures à l’intégration des réseaux techniques, en passant par le traitement des seuils et des raccords. Chaque détail compte !

Chez Wilmotte et Associés, cette rigueur est présente dès la phase de conception : chaque plan intègre des détails constructifs élaborés en cohérence avec l’ensemble, afin d’écarter toute interprétation hasardeuse au moment de l’exécution. Sur le chantier, le suivi est régulier et systématique : contrôle des échantillons, vérification scrupuleuse de la conformité des mises en œuvre, ajustements ciblés pour corriger le moindre écart par rapport aux plans validés.

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