« 3 milliards d’euros d’investissements industriels en cours dans l’agglo »

Sur le territoire

-

Publié le 29/10/2024

Économie et emploi

ean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole, pendant L'Artisanat C'Chartres

Novo Nordisk n’est pas seule. Bien des entreprises industrielles de l’Agglo investissent. Comment prolonger une stratégie gagnante ? Les orientations de Jean-Pierre Gorges.


Votre Agglo : Trois milliards d’euros d’investissements en cours de réalisation par des entreprises sur le territoire de Chartres métropole. Comment en arrivez-vous à un tel montant ?

Jean-Pierre Gorges : Le développement économique est la première compétence, la première mission de Chartres métropole. Depuis l’origine, nos équipes sont en contact permanent avec les entreprises de notre territoire. Auparavant, la Communauté d’agglomération de Chartres (COMAC) tentait d’en attirer de l’extérieur à coups de primes et d’avantages. Cela ne marchait pas. Nous avons au contraire décidé d’adopter une stratégie de développement endogène, de nous occuper d’abord des entreprises qui existaient déjà ici, de les mettre en contact, d’accompagner et de faciliter leurs projets. C’est ainsi que le Jardin d’entreprises s’est rempli, s’agrandit maintenant, que nous avons créé les Pôles Ouest, qui gagnent aussi en activité.

L’annonce par Novo Nordisk de plus de deux milliards d’investissement sur son site chartrain est venue mettre en lumière le dynamisme industriel de Chartres métropole. Quand je parle de trois milliards, il ne faut pas oublier que cette entreprise existait déjà ici, que nous avions au début des années 2000 favorisé sa première extension à travers une négociation entre l’entreprise et l’État par l’entremise du député que j’étais alors, en cohérence avec notre stratégie. On ne le dira jamais assez, Novo Nordisk aurait pu investir massivement ailleurs en Europe ou dans le monde.

Mais les autres ne sont pas en reste. Nos contacts nous disent régulièrement que telle ou telle va investir ici vingt millions, ici soixante millions ou même davantage. C’est évidemment à chaque entreprise de l’annoncer si et quand elle le souhaite. Mais nous sommes informés, car ces décisions se prennent en rapport avec nous, non seulement pour des questions d’espaces disponibles, mais aussi parce que les entreprises elles-mêmes nous interrogent sur tout ce qui intéresse leurs personnels : logement, transports, formation, loisirs… Un autre chiffre le prouve : les entreprises de l’Agglo ont actuellement 1500 recrutements en cours !

VA : C’est ainsi que vous arrivez à trois milliards ?

JPG : Si l’annonce de Novo Nordisk est une grande et bonne nouvelle, il est essentiel de constater que les autres activités se développent également. Le tissu industriel de l’agglo est très diversifié et c’est une richesse. Il a ses points forts, la cosmétique et la pharmacie. Nous devons les cultiver. Mais il ne serait pas sain que la vie économique d’une agglo dépende d’un seul domaine d’activités. Ni d’une seule et unique très grande entreprise.

Ce journal parle régulièrement des start-ups que nous accueillons dans notre Cité de l’Innovation au CM101. Cet incubateur, nous allons l’agrandir. Et mieux encore, nous allons continuer d’accompagner les start-ups quand elles le quittent, un moment toujours délicat. Une règle simple : les entreprises qui investissent ne se délocalisent pas.

VA : En quoi l’emploi industriel vous intéresse-t-il particulièrement ?

JPG : Parce que l’activité industrielle est à forte valeur ajoutée et qu’elle crée des emplois qualifiés. Elle tire vers le haut notre Agglomération. Un emploi industriel nouveau permet de créer 1,5 emploi indirect supplémentaire (sous-traitance, etc.), et 3 emplois induits dans le reste de l’économie. Car ces personnes et leurs familles doivent manger, se loger, se distraire, pratiquer des activités sportives et culturelles, etc.

Ces emplois industriels nous intéressent aussi parce qu’ils sont évolutifs. Ils sont vecteurs d’ascension sociale via la formation interne et l’évolution des carrières, ce qui est moins vrai dans d’autres secteurs économiques. Quand on regrette à raison la « smicardisation » de l’économie française, ce n’est pas vrai de l’industrie. C’est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons d’activité à forte valeur ajoutée : c’est vrai des biens qu’elles produisent, c’est aussi vrai des personnels qui les produisent par la mise en œuvre de technologies avancées, etc. Ce n’est pas pour rien que nous multiplions les actions de communication et de promotion de ces emplois, un temps regardés de haut : aller travailler à l’usine n’était pas valorisant, alors que les usines d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec celles d’hier. Un chaudronnier qualifié est désormais aussi bien sinon mieux payé que certains cadres du tertiaire. C’est également vrai de celui qui travaille dans la cosmétique ou dans l’industrie pharmaceutique.

C’est aussi pour cela que nous avions refusé il y a quelques années, l’implantation dans l’Agglo d’un énorme entrepôt logistique. Il aurait consommé vingt hectares au moins d’espaces utiles à bien d’autres activités, créé surtout des norias de camions un peu partout, et des emplois très peu qualifiés susceptibles en plus de disparaître bien vite au fur et à mesure d’une automatisation galopante. Sans oublier que nous n’avons pas pour objectif de créer une concurrence immédiate aux commerçants de notre territoire.

VA : Beaucoup de communes et d’agglomérations s’inquiètent des conséquences de la Loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Comment allez-vous conjuguer ses obligations avec cette croissance annoncée ?

JPG : Cette loi n’est pas intelligente, au sens où, décidée de Paris, elle ne tient pas compte de la diversité des réalités. Elle est évidemment marquée par l’idéologie funeste de la décroissance, ce crédo des écologistes d’extrême gauche. On peut être intelligent sans avoir besoin de comptages d’épiciers. Regardez Novo qui s’étend sur des espaces déjà artificialisés car occupés par d’autres entreprises, qui elles-mêmes se transfèrent sur des espaces d’activités déjà existants. Regardez nos grands équipements, de L’Odyssée au Colisée en passant par le cinéma et le conservatoire, installés sur d’anciennes friches industrielles ou urbaines. Regardez nos quartiers déshérités qui se reconstruisent sur eux-mêmes, modernisés, adaptés aux nouvelles contraintes énergétiques, débarrassés du stationnement automobile en surface.

Les hommes régulent naturellement l’évolution de leur environnement économique et politique : la ville gallo-romaine était trois fois plus étendue que la ville médiévale de Chartres qui fait encore notre renommée. Les Gallo-Romains ne construisaient pas en hauteur. Ils n’en avaient pas besoin, étant en sécurité dans l’Empire. Le reproche que l’on peut faire à la Loi ZAN, c’est qu’elle applique les mêmes contraintes aux bons comme aux mauvais élèves.

VA : Comment allez-vous gérer l’augmentation de population consécutive à ce développement économique ?

JPG : Nous y sommes déjà préparés. Nos grands équipements sont à niveau. On ne me traite plus de Ramsès comme on l’a fait au moment de la construction de L’Odyssée. On ne me parle plus de restaurer l’ancien ChartrExpo, évidemment dépassé. Les visiteurs se félicitent au contraire de l’acoustique remarquable du nouvel Illiade. On a déjà oublié l’ancien Hôtel de Ville. Le nouvel Hôtel de Ville et d’Agglomération accueille effectivement des habitants qui viennent de toute l’Agglomération.

Qu’est-ce que je n’ai pas entendu au début quand nous avons entrepris de transformer et de reconstruire l’ancien Beaulieu… Et j’en parle, parce que certains « esprits simples » s’étonnent aujourd’hui que nous favorisions la construction de logements modernes de bonne qualité en ville. C’est pourtant la première question posée lors d’un recrutement professionnel extérieur.

L’Agglomération, et notamment la zone urbaine ont besoin de logements pour accueillir les gens qui viennent travailler ici : des logements intermédiaires, des logements plus haut de gamme pour les cadres qui le souhaiteront. Il nous faut proposer une offre complète, diversifiée, de qualité. C’est le cas. Par ailleurs, la régénération de la gare et l’installation en cours du BHNS améliorent nos transports publics. Tout ceci en veillant à l’équilibre démographique et sociologique du territoire de Chartres métropole. Nous nous attachons à respecter les orientations de notre Schéma de cohérence territoriale (SCoT) : deux tiers des habitants dans la zone urbaine, un tiers dans les villages périurbains et ruraux.

Dans toutes ces opérations d’aménagement et de développement, nous agissons en parfaite collaboration avec l’État, comme l’explique d’ailleurs parfaitement Monsieur Le Préfet d’Eure-et-Loir lors d’un entretien dans votre magazine. Tous les réalistes reconnaissent ce qui se fait ici : Chartres métropole est plus que jamais devenu le moteur économique et culturel de l’Eure-et-Loir.

VA : Dans ce contexte dynamique, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur, deviennent encore davantage un impératif majeur ?

JPG : Il y a de quoi s’interroger. Je vois des enseignements supérieurs s’installer à Bourges, Blois, Châteauroux… Or c’est dans l’agglomération chartraine que le développement économique est de loin le plus dynamique… Certes, il y a plusieurs niveaux de recrutement. Quand Novo Nordisk lance le recrutement immédiat de 500 personnes, elle lance ses filets dans toute la France et même au-delà. Il n’est évidemment pas question que les entreprises de l’Agglo se concurrencent entre elles pour recruter les meilleurs profils. Il ne s’agit pas non plus de vouloir concurrencer les grandes universités classiques, celles d’Orléans et de Tours.

Nous devons donc dynamiser et diversifier notre offre d’enseignement supérieur en rapport avec les besoins directs des entreprises de notre territoire. Toute une série de rencontres avec les responsables universitaires dans la Région Centre-Val de Loire est d’ores et déjà programmée. Notre IUT existe. Il fonctionne bien. Il peut et doit grandir. Notre deuxième cycle d’ingénieurs Polytech existe, fonctionne, mais avec trop peu d’élèves. Il est possible, à mon sens, de lui agréger une prépa intégrée. C’est en fait un véritable campus technique de niveau Bac +1 ou +2 que nous devons construire dans les domaines qui nous intéressent.

Ce n’est pas vrai seulement pour l’industrie ; je pense aussi aux Hôpitaux de Chartres, dont la qualité ne cesse de s’améliorer et qui est un facteur d’attractivité considérable pour toute agglomération, et notamment pour la nôtre. Vous savez peut-être que pour faire face à la pénurie de médecins, l’État envisage d’instaurer une quatrième année de formation dans les écoles d’infirmières et d’infirmiers. Nous en avons une à Chartres, qui fonctionne bien. Ces personnels supérieurement qualifiés pourraient effectuer certains actes médicaux en lieu et place des médecins, mais toujours sous l’autorité et le contrôle de ceux-ci. Cette quatrième année, nous la demandons évidemment pour l’IFSI de Chartres. Et nous savons déjà où l’installer.

Être et rester un Territoire d’Industrie, ce n’est pas simplement un label pour faire joli, c’est l’intégration d’une dynamique dans un territoire, avec ses conséquences dans tous les domaines. Anticiper dans le cadre d’une stratégie continue et cohérente. Et surtout voir grand. Parce que C’Chartres le vaut bien !

 

La Semaine de l'industrie

Du 18 au 22 novembre, les entreprises du territoire, les organismes de l'emploi et de la formation ainsi que Chartres métropole se mobilisent pour valoriser l'industrie et ses métiers pendant la Semaine de l'industrie.

Vous êtes demandeurs d’emploi, jeunes, étudiants ou en recherche d'une nouvelle orientation professionnelle? Visitez des entreprises du secteur et rencontrez des professionnels, découvrez la diversité des métiers, des filières, des formations ou des offres d’emploi.

Découvrez le programme complet