23 mars 2023
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« Continuons d'investir et de renforcer la solidarité intercommunale » – Interview de Franck Masselus

Finances.

Franck Masselus, vice-président en charge des finances, en conseil communautaire

Le Conseil communautaire de Chartres métropole a tenu fin novembre son Débat d'Orientations Budgétaires (DOB), en préparation de son Budget 2023. Dans un contexte marqué par la crise des énergies et la forte reprise de l'inflation, Chartres métropole entend maintenir ses priorités : un haut niveau d'investissements, une forte solidarité envers ses 66 communes, la stabilité des taux de sa fiscalité.

Les explications de Franck Masselus, vice-président en charge des finances.


Votre Agglo : Comment avez-vous défini vos perspectives budgétaires dans un contexte national et international incertain ?

Franck Masselus : Nous nous sommes trouvés devant des contraintes nouvelles très fortes : les collectivités subissent la crise des énergies, qui augmente massivement nos coûts de fonctionnement, d'autant que les collectivités ne bénéficient pas du bouclier tarifaire réservé aux particuliers.

Nous subissons également l'inflation, qui impacte tous nos travaux : ainsi, entre autres hausses, celle du prix des matières premières a augmenté de 15% les coûts de maintenance. À cause de l'envol du prix de l'électricité, le coût de l'éclairage public pourrait passer de 1,7 à 4 millions d'euros cette année. Nous subissons encore la hausse, décidée par l'État, des traitements de nos personnels (+ 3,5 millions d'euros). Et pourtant, l'État nous impose en même temps de limiter l'augmentation de nos dépenses de fonctionnement à 3,8% l'année prochaine, c'est-à-dire bien en-deçà de la hausse prévisible de l'inflation. Soit un effort de 5 millions d'euros.

Et encore, heureusement que nous avons externalisé une partie des coûts de fonctionnement de nos services publics dans le réseau de nos Sociétés Publiques Locales soumises aux règles de fonctionnement de droit privé.

Observons que l'État ne s'impose pas à lui-même cette limitation des coûts de fonctionnement qu'il impose aux collectivités. Le budget de la France en 2023 affiche un déficit prévisionnel de 158 milliards d'euros, qui servira essentiellement à payer son fonctionnement et non à investir. Nous sommes en revanche tenus par la Loi de présenter des budgets en équilibre... Et nous le faisons !

Enfin, l'État a entrepris de supprimer la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), l'un des impôts économiques qui financent les ressources des intercommunalités. Il nous promet de les remplacer par une part de la TVA. Mais il calculera cette compensation en se fondant sur la moyenne de la CVAE perçue en 2020, 2021 et 2022. Or l'activité économique de deux de ces années a été fortement impactée par la crise sanitaire. Au-delà des discours, la recentralisation et la réduction de nos ressources continuent…

VA : Alors les contribuables de l'agglomération s'interrogent : « à quelle sauce allons-nous être mangés en 2023 » ?

FM : Là encore, nous ne faisons pas entièrement ce que nous voulons : un impôt est construit sur des bases, fixées par l'État lors du vote du budget à l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire en ce moment. En 2021, ces bases avaient été réévaluées de 0,1 % ! Loin de la réalité de l'inflation qui redémarrait.

En 2022, les bases avaient été réévaluées d'à peine plus de 3 %, là encore loin de la réalité de l'inflation qui dépassera les 6 % cette année. En 2023, l'État réévalue ces bases de 7 %...

À ces bases, les collectivités appliquent des taux. Les taux des impôts de l'agglomération ne varieront pas en 2023 malgré la hausse des coûts. Ainsi le taux de la Taxe additionnelle sur le Foncier Bâti restera à 7,5 %. Il faut souligner cette stabilité, et la comparer aux augmentations considérables des taxes foncières dans toutes les villes de France, + 52 % à Paris, un exemple parmi beaucoup d'autres.

Car nous avions anticipé dès 2020 ce qui allait se passer : le retour de l'inflation a bien d'autres causes que la guerre en Ukraine.

VA : Quels seront donc les « marqueurs » du budget 2023 ?

FM : Nous allons continuer d'investir massivement et de renforcer encore la solidarité intercommunale. C'est l'investissement (grands équipements, nouveaux services) qui renforce l'attractivité de l'agglomération, qui attire des habitants et des entreprises, qui donne de l'activité économique aux entreprises locales et du travail à leurs employés. Anticiper permet aussi de programmer, ici sur des périodes de trois ans.

De 2023 à 2025, Chartres métropole va investir 235 millions d'euros, dont 95 en 2023 : des crédits importants vont à l'achèvement du Colisée et au lancement des travaux du nouveau parc des expositions.

De même, nous sommes dotés d'un schéma directeur de l'eau et, sur trois ans toujours, nous allons investir 53 millions d'euros dans cette ressource stratégique : pour prospecter de nouvelles ressources, pour améliorer sa qualité, pour moderniser notre réseau, en limiter les fuites, etc. Ce sont des investissements élevés et de long terme. Nous essayons de faire coïncider l'amortissement financier et l'amortissement technique.

Exemple : quand nous créons une station d'épuration qui va durer 50 ans, nous essayons de trouver des emprunts d'une durée équivalente. C'est de la gestion financière. Quiconque a un jour emprunté pour acheter sa maison peut le comprendre.

VA : Dans ce climat incertain, vous n'avez pas été tentés de baisser les montants de la Dotation de Solidarité Communautaire (DSC) ?

FM : Surtout pas, même si vous avez raison de souligner que cette DSC n'est pas obligatoire aux termes de la Loi. Nous avons même décidé d'en porter le montant minimum annuel à 20 000 euros pour chaque commune. L'instauration de cette somme-plancher va bénéficier à une quinzaine d'entre elles.

En 2020, quand nous avons créé la taxe foncière, certains maires à peine élus ou réélus se sont retrouvés à défendre devant leur conseil municipal cette mesure impopulaire au premier abord, même si ce montant était beaucoup plus faible que celui de la taxe d'habitation que leurs habitants contribuables ne payaient plus. Il est donc légitime que les habitants à travers leurs maires et leurs communes retrouvent grâce à la DSC une partie de cet argent.

Et puis la DSC n'est pas un « cadeau » que l'exécutif de l'Agglomération affecte arbitrairement à telle ou telle commune. Son montant est défini d'après des critères objectifs. Certains imposés par la Loi, d'autres par l'Agglomération, et toujours votés par le Conseil communautaire. Plus de la moitié du montant d'une DSC répond d'abord à des critères sociaux : l'écart de revenu par habitant, le potentiel fiscal par habitant, le nombre de logements sociaux dans la commune.

La DSC est donc aussi un outil de redistribution sociale et Chartres métropole est à cet égard l'une des intercommunalités les plus redistributrices de France envers ses communes membres.

VA : Reste la question de la dette, que vos opposants trouvent plus que menaçante ?

FM : Ils cherchent à faire peur, à profiter du climat d'inquiétude dans notre pays. Pourtant c'est simple : ce qui caractérise une dette, c'est votre capacité à la rembourser.

Tous les comptables et tous les banquiers regardent un seul ratio : le rapport entre le montant de votre dette et celui de votre épargne brute. Ce rapport vous indique le nombre d'années qu'il vous faudrait pour rembourser votre dette si vous cessiez d'investir. Pour notre budget principal, ce ratio s'établit à un peu plus de 8 années. Et si nous abaissions ou supprimions la Dotation de Solidarité Communautaire, non obligatoire, ce ratio s'écroulerait. Les comptes de l'Agglomération ne présentent donc aucun risque.

De même, si vous considérez l'ensemble des budgets de l'Agglomération (budget principal + budgets annexes), nous sommes entre 11 et 12 ans. Il s'agit d'ailleurs d'un exercice purement comptable, puisque certains budgets annexes doivent trouver leur équilibre sans le concours du budget principal : ce sont les usagers de l'eau qui doivent payer les dépenses en eau de l'agglomération. Ce sont les entreprises (85%) et les acheteurs de tickets qui doivent payer les dépenses de transport public, etc.

De plus, si nos ratios étaient dangereux, pas un banquier ne nous prêterait d'argent. Vous avez vu comme ils sont devenus plus exigeants vis-à-vis des particuliers qui souhaitent emprunter pour acheter une maison. Ils feraient de même à notre égard.

Jean-Pierre Gorges, membre pendant quinze ans de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale quand il était Député, avait parfaitement vu venir l'étau financier dans lequel l'État veut placer les collectivités locales et territoriales : dotations réduites, dépossession fiscale, etc. C'est pourquoi nous avons instauré dès 2020 un taux additionnel de taxe foncière, dont le produit sécurise les investissements de Chartres métropole. Nous n'avons pas attendu le récent rapport (automne 2022) de la Chambre Régionale des Comptes qui pose la question après examen de la période 2014/2019. Anticiper…

Ce même rapport commettait l'erreur de lier la création de la taxe foncière de Chartres métropole à la suppression de la taxe d'habitation dans les communes, alors que le produit de la suppression de la taxe d'habitation était d'ores et déjà compensé par l'État.

Après, c'est seulement de la gestion. Si la pression financière devait s'accentuer pour une raison ou pour une autre, nous pourrions toujours décaler certains investissements, réduire les montants de la DSC qui n'est pas obligatoire, etc.

VA : Dernière critique, celle qui vise la "galaxie" des Entreprises Publiques Locales (EPL) de Chartres métropole. Certains parlent d'opacité ?

FM : Ridicule ! Publiques, elles sont contrôlées par l'État et ses juridictions. Fonctionnant sous le régime de la gestion privée, leurs comptes doivent obligatoirement être validés par un commissaire aux comptes. Les Entreprises Publiques Locales de Chartres métropole offrent l'avantage de conjuguer la liberté d'action et de gestion des entreprises privées, et le maintien de leurs bénéfices dans le giron de l'Agglomération, alors qu'auparavant les profits étaient captés par de grands groupes privés délégataires de ces services publics.

Cette organisation, autorisée par la Loi, est tellement performante que la plupart des collectivités en France se dotent de ces EPL. Leur dernier congrès s'est d'ailleurs, ironie de l'histoire, tenu à Tours, ville dirigée par les amis politiques de nos opposants. CQFD.

Schématiquement : une représentation de la collectivité et de ses EPL

Un demi-milliard d'euros à votre service

La vie de notre territoire s'exerce à travers les compétences de Chartres métropole : développement économique, aménagement du territoire, organisation des mobilités, collecte et traitement des déchets, eau et assainissement, protection et mise en valeur de l'environnement, construction et gestion de grands équipements… et tant d'autres. L'ensemble de ces compétences nous assure ce qui nous est indispensable au quotidien, chez nous, au travail, et des valeurs ajoutées pour nos loisirs.

Chartres métropole met tout ceci en œuvre par son budget propre, et 11 budgets annexes qui sont spécifiquement dédiés à l'eau potable, à l'assainissement, aux transports urbains, aux déchets, à la restauration collective, à l'aménagement des zones d'activité, à l'archéologie, et aux grands équipements que constituent l'Odyssée et les Vauroux, l'aérodrome, et les futurs Colisée et parc des expositions. Chartres métropole exerce ainsi par elle-même ses compétences les plus « structurelles » : l'établissement des principes de fonctionnement et d'aménagement de son territoire, et la création des grands équipements. En parallèle, elle a fait le choix de confier les autres, les plus servicielles, à ses entreprises publiques locales : ses « satellites ». L'avantage en est que ces missions de service public sont dès lors exercées avec tout le ressort propre aux entreprises privées... tout en gardant la maîtrise de leur gestion.

En 2022, les budgets de Chartres métropole ont représenté un total de près de 300 millions d'euros. Si l'on y ajoute les budgets propres de chaque « satellite » de Chartres métropole, budgets qui sont générés en majeure partie par de la fiscalité propre et des recettes de services, et auxquels Chartres métropole contribue si nécessaire, ce sont au total près de 500 millions d'euros qui sont mobilisés à votre service, au service de votre quotidien et de votre cadre de vie.

Solidarité et attractivité

L'action de Chartres métropole est basée sur une politique de solidarité à l'égard de ses communes membres. Elle s'exerce notamment par l'intérêt que Chartres métropole prête aux projets de chacune de ses 66 communes et dans la contribution qu'elle y apporte. Si la loi prévoit la possibilité pour les EPCI (Agglomérations) de mettre en place des mécanismes de solidarité, Chartres métropole a fait de cette politique l'ADN de son territoire : à travers les dotations de solidarité communale et les fonds de concours qu'elle a mis en place, elle dédie ainsi entre 12 et 13 millions d'euros par an aux projets et au fonctionnement de ses communes.

Par ailleurs, la bonne gestion de ses budgets permet à Chartres métropole de dégager des excédents de fonctionnement. Ces excédents ne dorment pas. Eux aussi sont mis au service du territoire sous la forme d'autofinancement d'investissements qui se traduisent très concrètement en réalisation d'infrastructures d'eau potable ou d'assainissement, de réseaux de transports, de collecte ou de traitement des déchets, ou encore de nouveaux aménagements dans les zones d'activités, au service des entreprises. Ces investissements sans recours à l'emprunt, consacrés à la qualité de vie, donc aussi à l'attractivité du territoire et à sa bonne santé économique, ont représenté près de 4 millions d'euros en 2022.

Représentation des masses financières de Chartres métropole au service du territoire

Représentation des masses financières de Chartres métropole au service du territoire

 


Contrôle par la Chambre régionale des comptes (CRC)

Les comptes et la gestion financière de Chartres métropole sur la période 2014-2019 ont fait l'objet d'un contrôle par la Chambre régionale des comptes (CRC). Dans son rapport, en date du 9 août 2022, la juridiction financière n'a pas relevé d'irrégularité, signe que l'Agglomération gère bien ses finances. Quelques recommandations ont été effectuées par la Chambre, dont Chartres métropole s'est saisie. Dans certains cas, l'Agglomération avait d'ailleurs anticipé, en engageant des mesures avant même la publication de ces recommandations.

La CRC, qu'est-ce que c'est ?

Créées en 1982 et exerçant dans chaque région, les chambres régionales des comptes sont des juridictions financières indépendantes. Elles sont administrativement rattachées à la Cour des comptes.

Les chambres régionales des comptes jugent en première instance les comptes des collectivités et établissements publics de leur ressort.

Elles contribuent, par leurs observations et par leurs avis, à l'équilibre des finances locales en obtenant la correction d'éventuelles irrégularités et le redressement d'éventuelles erreurs de gestion.